Les deux premières semaines de mon travail en Ouganda, j'ai dormi sur le sol de mon bureau. Les fortes pluies qui s'étaient abattues sur la région en 2007 ont provoqué des inondations dans tout le pays, touchant plus de 300 000 personnes. Il n'y avait pas d'électricité, pas de liaison téléphonique ni de nourriture ou de commodités de base.
Pendant la journée, je pataugeais dans de l'eau boueuse qui m'arrivait aux genoux. J'ai dû faire face à des cases détruites, à des cultures ensevelies et à des personnes déplacées, sans nourriture ni eau potable. Une partie de mon travail auprès du Bureau de la Coordination des Affaires humanitaires (OCHA) a consisté à évaluer l'ampleur de la catastrophe, ce qui exigeait parfois des approches novatrices. Les routes en tarmac notamment avaient toutes été emportées et les véhicules n'étaient dès lors plus un mode de transport fiable. Les bateaux étaient nos meilleurs alliés mais parfois il s'avérait encore plus efficace de nager bras dessus bras dessous dans les eaux troubles et stagnantes.
Les inondations ont empiré. Nous avons vu d'autres routes disparaître et des campements s'éloigner de plus en plus. En 2005, l’OCHA a répertorié près de 1,8 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays. En avril 2008 cependant, près de 75 % des personnes déplacées étaient en passe de rejoindre leurs maisons ou y étaient déjà revenues. Mon travail en Ouganda a été ma première mission internationale pour l’OCHA et j'ai directement été mis au parfum.
Notre équipe de l’OCHA compte 1 980 membres. Notre mission consiste à soulager les souffrances humaines en cas de catastrophes et de situations d'urgence, à défendre les droits des peuples dans le besoin, à encourager la préparation et la prévention et à favoriser les solutions durables partout dans le monde.
Les expériences au cours de mes années de formation m'ont préparé à être confronté aux défis du travail sur le terrain. J'ai grandi en menant une vie simple. Ma famille habitait Bagra, un petit village pakistanais dans le district d'Haripur, dans la province frontalière du Nord-Ouest. Je me souviens très bien de la communauté. J'aimais bien aller à l'école mais, étant donné qu'il n'y avait pas de bâtiment adéquat, une bonne partie de mon éducation dépendait des caprices du temps. Certains jours, je m'en allais avec un nez bronzé et un derrière poussiéreux. D'autres jours, les étudiants accueillaient la pluie joyeusement. Cela signifiait un jour de congé.
Ma famille a souvent déménagé au Pakistan car mon père travaillait pour l'armée pakistanaise. Nous avons vécu à Karachi, Quetta, Rawalpindi et Peshawar. J'ai quitté le foyer familial en 1982 pour aller étudier à l'Université de Peshawar. L'Université se trouvait à la frontière afghane et j'observais les réfugiés qui arrivaient en masse dans ma ville. Trois millions de réfugiés sont venus d'Afghanistan au Pakistan et 90 % d'entre eux se sont établis près de Peshawar. Je rencontrais régulièrement l'équipe d’intervention des Nations Unies et leur travail m'a donné envie d'œuvrer pour l'Organisation.
Après mon diplôme, j'ai passé 10 ans dans le secteur privé à travailler pour des organisations non gouvernementales au Pakistan et en Afghanistan. En 2006, j'ai commencé à travailler avec les Nations Unies à l’OCHA pour venir en aide, après la catastrophe du tremblement de terre, à Muzaffarabad, au Pakistan. La catastrophe à laissé 3,5 millions de personnes sans abri et 2,3 millions dans l'insécurité alimentaire. Environ 600 000 maisons, 6 000 écoles et plus de 500 centres de santé ont été détruits ou gravement endommagés. Beaucoup de familles déplacées ont été rassemblées dans des camps de personnes déplacées. Grâce à un effort de collaboration, entre mars et juin 2006, 250 000 personnes déplacées à l'intérieur du territoire sont revenues chez elles avec un moyen de transport sûr, de la nourriture, un toit et des outils agricoles.
Il est important d’être créatif et d’avoir la tête sur les épaules pour travailler dans ce domaine. La planification de l'aide humanitaire nécessite de penser à l'avenir et elle repose toujours sur des hypothèses et des projections. Parfois, même les solutions les mieux planifiées doivent être modifiées à la dernière minute ; il est dès lors extrêmement important d’être flexible lorsqu’on travaille pour les Nations Unies.
Actuellement, je me trouve au Zimbabwe avec l’OCHA. Nous essayons de coordonner les mesures prises en vue de remédier au manque de nourriture, au VIH et au sida, au déclin des services sociaux et de pallier les catastrophes naturelles. En octobre 2009, l’OCHA a collaboré avec des organisations partenaires pour offrir à 720 000 ménages un soutien agricole, notamment en leur fournissant des semences de céréales comme le maïs, le sorgho et le millet. Mon travail est extrêmement gratifiant. La vue des visages de la communauté affectée inspire une notion d'urgence qui me pousse au travail et préserve ma motivation dans les moments les plus difficiles.