A l’âge de 10 ans, je vivais à Douala, ville du littoral camerounais, « ville fantôme ». Les rues étaient désertes, de sorte que mes parents me gardaient à la maison. La police patrouillait les rues, mais personne ne se sentait en sécurité. L’économie et l’infrastructure du Cameroun frisaient la ruine suite aux élections présidentielles controversées de 1992. Des partis politiques luttaient les uns contre les autres pour la conquête du pouvoir tout en mettant en question la nouvelle démocratie mise en place. A cela s’ajoutait une tension constante au sujet de l’intégration de deux Etats séparés : la République francophone du Cameroun et le groupe anglophone plus petit appelé Cameroun du Sud. Je vivais dans une zone francophone, mais j’étais originaire du Cameroun du Sud. C’est pourquoi une grande partie de ma vie a été marquée par un combat incessant pour habiter mon identité.
Ma passion pour le maintien de la paix s’est déclarée le 1er octobre 2003. Je participais à une manifestation pacifique pour célébrer la journée de l’indépendance du Cameroun du Sud à Bamenda. Cette journée a mal tourné avec la dispersion et l’incarcération des manifestants par la police. J’ai été une malheureuse victime de cette altercation, pénible tragédie qui a transformé ma façon de voir le système politique du Cameroun. A l’âge de 21 ans, je suis devenu un activiste pacifique.
J’ai adhéré à ‘Campus for peace’ peu après et j’ai travaillé comme agent bénévole de Paix et droits de l’homme tout en poursuivant mes études de licence à l’université de Yaoundé. En classe, nous avons discuté d’épisodes troublants de violence civile dans des pays voisins d’Afrique. Le Tchad, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo et le Burundi enregistraient un nombre important de victimes civiles et nous voyions affluer des réfugiés au Cameroun. Cela m’a conduit à me poser des questions sur la racine du problème et c’est ce qui m’a fait décider de prendre pour sujets majeurs d’études les relations internationales et l’histoire, avec focalisation sur la paix et le règlement des conflits.
En dehors de mes études, je me suis porté volontaire comme consultant en droits de l’homme pour l’initiative Caretakers de la Journée de l’enfant africain. Le 15 juin 2009, j’ai contribué à l’organisation d’une formation aux droits de l’homme pour plus de 200 enfants âgés de cinq à douze ans. Nos séances avaient lieu dans un parc local de Yaoundé, Bois Ste Anastasie. Au cours d’une séance, j’ai séparé les enfants en groupes de 45 et je leur ai demandé de créer des images représentant les droits auxquels ils attachaient le plus grand prix. Il était exaltant de voir la créativité et l’imagination à l’œuvre dans ces jeunes Camerounais. Ils ont emporté les dessins chez eux et dans leur école, suscitant par leurs images quelques remous dans la communauté.
J’ai quitté le Cameroun en 2009 pour commencer un stage auprès du Département des opérations de maintien de la paix aux Nations Unies. La mission de ce département est de planifier, préparer, gérer et diriger les opérations de maintien de la paix afin qu’elles puissent remplir leur mandat sous l’autorité du Conseil de sécurité. Le département travaille à intégrer les efforts des Nations Unies ainsi que des organisations gouvernementales et non gouvernementales dans le cadre des opérations de maintien de la paix.
Je fais mon stage avec la Division Afrique II sur le conflit du Burundi. Mon équipe est petite – rien que quatre personnes, y compris moi-même, de sorte que mon travail a beaucoup d’impact. J’en retire une très grande satisfaction. On m’invite à des réunions de cellules de réflexion politique sur la région des Grands Lacs d’Afrique et j’y ai voix au chapitre.
Mes principales attributions comprennent le suivi direct du conflit au Burundi et l’analyse des rapports du terrain sur l’évolution du processus de paix, les élections, les droits de l’homme et le désarmement, la démobilisation et la réintégration. Je fais la synthèse de cette information dans des rapports hebdomadaires au Secrétaire général. Je suis de près aussi les sujets de préoccupation. Si quelque chose paraît troublant, je prépare un article sur les risques ou les complications possibles d’un événement donné tout en proposant des recommandations.
Mon stage est une expérience que l’on ne peut pas quantifier. J’aime la recherche, le travail de terrain et la participation à des débats générateurs de changement. Cela fait partie de mon lot quotidien. Pour l’avenir, j’espère continuer à travailler au maintien de la paix avec les Nations Unies tout en me préparant à une carrière comme spécialiste ou consultant en règlement des conflits et en gestion.