Devant moi, des centaines de colis de vivres nécessaires pour les forces vives d’une mission de maintien de la paix. Au hasard, je prends un grand conteneur de poisson emballé. Je vérifie la couleur, la texture et la date. Tout est bon. Je le remets sur l’étagère.

J’ouvre la lourde porte et suis accueillie par un souffle d’air chaud. J’enlève mes gants de caoutchouc pour enfiler une paire de gants propres. Écritoire en mains, je me rends dans l’un de mes sites d’inspection préférés – le département des aliments frais. J’examine la scène bigarrée devant moi et commence ma routine. Carottes? Couleur : bel orange vif, texture : ferme et légèrement rugueuse. Je coche. Épinards? Couleur : beau vert profond, texture : croquante et légèrement humide. Je coche. Œufs? Couleur : ivoire foncé, texture : légèrement fissurée, légèrement visqueuse. Je vérifie la date et constate que la date de péremption est dépassée depuis longtemps. Je ne coche pas. Je fais rapport immédiatement au fournisseur et demande d’interrompre la fourniture de l’article.

Depuis mai 2009, je suis chargée de 11 contingents, ce qui signifie que je suis responsable de la nourriture pour 3 000 soldats de maintien de la paix à Bunia. Plus précisément, je travaille à la Section des approvisionnements, ce qui signifie que nous devons assurer que toute la nourriture et l’eau en bouteilles distribuées aux troupes conviennent à la consommation humaine. Nous jouons dès lors un rôle capital dans la mission. Sans nourriture, nos troupes ne pourront pas maintenir la paix efficacement.

Nourrir les soldats de maintien de la paix des Nations Unies est un très grand honneur. En 2002, la guerre civile a éclaté en Côte d’Ivoire, mon pays natal. J’ai vu des actes de violence contre de nombreux compatriotes, quand les rebelles s’opposaient violemment au Gouvernement. Tout autour de nous, les insurgés nous cernaient du nord au sud. Nous ne pouvions pas nous déplacer géographiquement, nous étions glacés de terreur.

J’ai assisté personnellement à la résilience des troupes de maintien de la paix des Nations Unies qui tentaient de contrôler la situation explosive et de rétablir la paix. J’ai vu un contingent militaire perdre des vies, quand les insurgés ont attaqué et pillé un campement de maintien de la paix. Ces images resteront à jamais dans ma mémoire. Je savais que ces soldats voulaient vraiment rétablir la paix que j’avais connue dans mon pays natal. J’ai alors fait le vœu de rembourser ma dette d’une manière ou d’une autre.

Aujourd’hui, mon travail de volontaire des Nations Unies est plus qu’un travail, c’est une façon de rembourser ma dette. Le fait de bien faire mon travail au quotidien permettra aux soldats du maintien de la paix à Bunya de rester en bonne santé. Voir les soldats satisfaits des repas dont je sais qu’ils sont sûrs et sains me remplit de satisfaction et de gratitude pour le dur travail qu’ils font. Ils méritent d’avoir la meilleure nourriture que je puisse trouver.