J’étais un enfant soldat. Très jeune, j’ai participé à la guerre de libération qui a renversé l’Ougandais Idi Amin. Son régime était répressif envers la population ougandaise. Mon père a été l’une de ses victimes. J’ai rejoint la Force de défense populaire de Tanzanie en tant qu'interprète et garde du corps de l’un de ses commandants. Après avoir servi pendant une brève période, j’ai été autorisé à retourner à l’école.
La tension a toutefois continué à couver. Le climat politique était instable. En 1985, un autre militaire s’est emparé du pouvoir en Ouganda. Mes proches ont été emprisonnés, y compris mon frère aîné. En tant qu’ancien combattant proche des opposants à ce nouveau régime, je me suis enfui vers le Kenya voisin, puis en Éthiopie fin janvier 1986. Je suis ensuite parti au Sud-Soudan, dans une région contrôlée par l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS), et je suis resté là-bas à participer aux combats ougandais avec l’APLS. J’étais déterminé à quitter cette situation aussi rapidement que possible. Ma vie ne devait pas être régie par la guerre et je refusais de construire mon identité dans le conflit. Après plusieurs tentatives d’évasion, j’ai fini par quitter Narus au Sud-Soudan et marcher plus de 70 km.
En sang et en mauvais état. Chat échaudé craint l’eau froide. J’ai été accueilli par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et remis au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). J’avais enfin laissé cette vie de guerre derrière moi et j’espérais prendre un nouveau départ. J'étais plein d'espoir et déterminé à consacrer ma vie professionnelle à remplacer la guerre et l’impunité par la paix et la stabilité.
Une chance immense m’attendait au camp de réfugiés de Hagodera. Ma persévérance, mon éthique et une belle opportunité m’ont finalement permis de poursuivre mes études. Dans le cadre de la protection du HCR, j’ai reçu une bourse pour aller étudier au Canada par le biais de l’Entraide universitaire mondiale du Canada. J’ai suivi une formation de criminologie et obtenu mon diplôme avec mention. Lors de mes études, j’ai effectué deux stages, le premier à la section Agressions sexuelles et mauvais traitements envers les enfants de la police d’Edmonton, et le second au HCR, à mon ancien camp de réfugiés au Kenya. J’y ai mené une étude sur l’incidence des violences sexuelles dans les camps de réfugiés et les moyens de prévention. Je me suis ensuite inscrit dans une école de droit où, durant ma seconde année, j’ai effectué un stage au Tribunal pénal international pour le Rwanda à Arusha. Après mes études, j'ai rejoint le Ministère canadien de la justice en tant qu’avocat.
Mon objectif a toujours été de travailler pour les Nations Unies. Je crois fermement que c’est le vecteur le plus viable pour parvenir à la paix dans le monde. J’ai vu personnellement les effets de la guerre sur les femmes et les enfants. J'ai été témoin d’horribles agressions sexuelles sur des victimes innocentes. J’ai poursuivi et je poursuivrai toujours l’objectif de mettre fin à ces conditions tragiques. Et le seul moyen d’y parvenir consiste à travailler avec les Nations Unies. Je veux pouvoir aider d'autres personnes à devenir ce que je suis aujourd’hui.
Je concentre désormais mon énergie à combattre les types d’injustice que j’ai subis enfant. Je tiens cela de mon grand-père. Il me disait qu’il existait trois types de personne sur terre : les fous, les intelligents et les sages. Lorsqu’un fou rencontre un obstacle, il tombe et se fait écraser. Lorsque l'intelligent en rencontre un, il le contourne. Lorsque le sage en rencontre un, il l’affronte, trouve une solution et s’assure que ce n’est plus un obstacle. Je suis fier de dire que j’aide les Nations Unies à trouver des solutions en demandant justice pour les survivants de conflits, de violences et de mauvais traitements.