Dès ma petite enfance, les chiffres me fascinaient. J’aime savoir s’il existe une réponse claire et solide à un problème. Je suppose que l’on pourrait voir là la ligne qui a dominé ma longue carrière à l’ONU: trouver une réponse claire et solide à un problème urgent. La plupart des gens pensent que tout ce que font les comptables à longueur de journée est de rester assis derrière un bureau en maniant un ordinateur et une calculatrice. Priés de répondre franchement, la plupart des gens supposent même que notre rôle est assez futile. Toutefois, je comprends maintenant que le travail d’un comptable à l’ONU n’a rien de routinier.

Je suis entrée à l’ONU en 2003 en qualité de fonctionnaire des finances. Le conflit entre le Liban et Israël a éclaté pendant l’été 2006. Le hasard a voulu que je sois en poste à cette époque à Beyrouth, où je travaillais comme fonctionnaire des finances (adjoint de 1ère classe) pour la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO).

Cette mission était extrêmement difficile. A l’époque, j’étais responsable de la Section du budget et des finances. Je ne m’attendais absolument pas à me retrouver dans une zone en guerre. J’ai assuré la surveillance d’une évacuation. Les opérations d’évacuation comportant de multiples incidences financières, on me demanda de rester jusqu’à ce que tous les autres fonctionnaires aient été évacués. Ce fut durant cette période que je compris que je devais faire appel à toute ma force intérieure car j’allais être mise à l’épreuve comme jamais encore au cours de ma carrière. J’envisage désormais mon travail en voyant sous un jour entièrement nouveau les solutions que nos budgets permettent essentiellement d’appliquer.

La mise en place de la logistique financière d’une procédure d’évacuation de l’ONU peut être extrêmement compliquée. Pendant l’opération, nous devions organiser l’évacuation des fonctionnaires internationaux jusqu’en Jordanie par bus, prévoir le versement à ces fonctionnaires d’une indemnité d’évacuation et assurer la liaison avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en Jordanie, qui devait nous aider à rapatrier les personnes concernées dans leur pays d’origine par avion. Très sincèrement, la principale difficulté était de savoir que chaque décision d’évacuation que nous prenions mettait des vies en danger. Il fallait agir rapidement et avec lucidité, sans possibilité de revenir sur une décision. Fort heureusement, nos opérations d’évacuation ont réussi. Tout le personnel essentiel a pu être évacué à Vienne sans encombre, et tous les membres du personnel non essentiel ont pu regagner leurs pays d’origine.

C’est pour moi une source de satisfaction de savoir que, lorsque je m’occupe du budget de maintien de la paix d’une mission, du remboursement du coût des contingents ou de certification des paiements, j’ai en quelque sorte un impact positif sur le monde. Il est toujours exaltant de savoir que ce que l’on fait a un sens, aussi modeste que soit son rôle. Il est aussi très satisfaisant de connaître au moins une bonne réponse face à la complexité d’autres équations.